Ce roman est juste horrible ! L'histoire est super triste, par contre le sujet est super bien traité.

D'accord, c'est un livre violent, cru, troublant, déstabilisant, certains diront même horrible ou carrément traumatisant. Mais pour moi, ça reste avant tout un livre génial. Génial dans son sens étymologique, c'est-à-dire qui touche au génie, parce qu'on se prend une sacrée claque dans la gueule. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement j'en suis venue à développer une certaine... impassibilité ? imperméabilité ? (je ne trouve pas le mot exact) quant au massacre des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Bon, dit comme ça, ça paraît proprement horrible, mais là où je veux en venir, c'est qu'on nous évoque ces faits comme des faits historiques, voire scientifiques, on ne rentre vraiment pas dans les détails (ce qui est assez normal bien sûr) afin que nous puissions décrire ce phénomène dans une compo d'histoire ; mais je trouve qu'on n'insiste pas assez sur l'aspect humain, ou plutôt inhumain de cette période. On en fait un chapitre d'histoire parmi d'autres, qu'on révise, qu'on apprend, dont on finit par se dire "je connais".

Ce livre vient faire exploser tout ce qu'on a bien pu m'apprendre sur la Shoah et le Génocide Juif. Casser la carapace d'habitude que j'ai fini par développer par rapport à ce sujet. Parce qu'en lisant Martin Gray, on ne peut pas ne pas se révolter. On ouvre les yeux sur la nature humaine, parce que nous n'avons pas d'autre choix que de vomir les bourreaux, quels qu'ils soient. Bien sûr, la puissance de cette prise de conscience et de cette claque vient pour l'essentiel du fait que ce roman soit auto-biographique. Cela nous pousse à ouvrir les yeux, à nous dire : c'est arrivé. Et voilà ce qu'a pu ressentir un homme, perdu dans ce chaos.

Pour en revenir un peu plus à l'histoire elle-même, je l'ai trouvée formidable. On découvre une descente aux Enfers qui n'en finit plus, et un homme qui échappe à la mort de toutes les manières possibles et imaginables. Qui est près à tout pour rester en vie. Qui tente de se reconstruire psychologiquement une fois le temps de sa vengeance achevé. Les pensées de Martin Gray viennent nous confirmer ce que nous savons déjà au plus profond de nous : il est marqué à vie. Car même lorsque la guerre est terminée, qu'il est à New-York et plutôt assuré d'une vie stable, il reproduit le même schéma de pensée qu'à Varsovie, lorsqu'il était emprisonné dans le ghetto, en comparant justement la ville américaine à un ghetto et ses représentants de l'ordre aux "Bleus" et aux SS de Varsovie. Et même ainsi, sa volonté de survie est plus forte puisqu'il parvient à monter un commerce florissant et à se reconstruire, drame après drame. Et le plus impressionnant, c'est que lorsque toute volonté de vivre devrait l'avoir abandonné, puisque le destin semble vraiment s’acharner contre lui, il trouve encore la force d'entreprendre de grandes choses, et surtout de revivre tout le cauchemar de sa vie à travers un témoignage qui nous prend aux tripes. Alors oui, ce livre est génial !

J'aime ta chronique. Je suis tellement d'accord avec le fait de rester (dans une certaine mesure) imperméable face à toutes les informations qu'on reçoit. C'est fou et triste de dire ça, mais c'est vrai dans de nombreux cas.

Du coup, ça me tente bien, ça a l'air poignant et troublant. Je retiens le titre. En plus, j'aime bien les témoignages.