Les fleurs d’Hiroshima est de ces romans qui, sous couvert de fiction, permettent d’appréhender une réalité dérangeante. Sam, jeune américain à l’avenir prometteur, profite d’un séjour à Hiroshima pour se plonger dans la culture japonaise en louant un lit au sein d’une famille de la région. Yuka est persuadée qu’elle peut donner l’illusion d’une vie agréable à son hôte, au milieu de ses enfants, son mari et sa sœur cadette. Seulement, la tragédie d’Hiroshima ayant eu lieu quinze ans plus tôt a laissé des marques qui ne sont visibles qu’aux yeux des gens attentifs, qui savent voir au-delà des apparences.
À travers le personnage de Sam, le monde occidental montre à quel point se bercer d’illusions permet de de croire que tout va bien, que la guerre et ses horreurs sont loin derrière. Pourtant, il faudrait être bien naïf pour croire que les effets d’une bombe nucléaire d’envergure ont disparu aussi vite qu’ils sont arrivés, non ?
C’est sans compter sur la réserve culturelle des Japonais, sur leur façon de faire en sorte de préserver les apparences, de ne pas froisser leurs anciens ennemis. Yuka incarne ces victimes du passé qui cherchent à relever la tête tout en faisant preuve de réserve : elle cherche à ne montrer que la lumière à Sam, en cachant dès que possible les zones d’ombres, en planquant la poussière sous les tapis pour masquer le délabrement de ces vies qui accusent encore le coup, qui restent marquées à jamais.
Le drame d’Hiroshima ne s’est pas arrêté après l’explosion de la bombe, il continue à s’écouler dans le sang des victimes collatérales, celles qui ont le corps marqué comme l’âme brûlée. Les radiations agissent encore, insidieusement, lentement avec plus ou moins de violence. Ceux qui portent les traces du drame sans pouvoir les cacher sont exclus de la société, ils sont les murs abîmés que l’on cache sous une peinture douce à défaut de pouvoir les réparer. Et puis il y a ceux qui savent que leurs fondations sont ébranlées malgré une structure en apparence solide, qui craignent le moindre choc violent qui pourrait tout faire voler en éclat. Il y a ces jeunes générations qui ne sont pas certaines de pouvoir un jour donner la vie à autre chose qu’une marque de l’horreur du passé, comme Ohatsu, la petite sœur de Yuka, qui décide de refuser de prendre le risque. Mais dans une société où la famille est le pilier de la vie, où une femme n’a d’autre espoir que de fonder un foyer avec des enfants en bon santé et un mari à la situation enviable, que reste-t-il à Ohatsu pour envisager un avenir ? Et ces fleurs, déposées dans les eaux de la ville pour apaiser les âmes torturées des défunts, sont-elles suffisantes pour ne plus voir sans cesse leurs chairs à vif et la douleur dans leurs yeux ?
Les fleurs d’Hiroshima est un roman qui permet de ne pas oublier les victimes silencieuses d’un conflit aussi important que la Seconde Guerre mondiale, celles qui ont survécu à l’horreur. C’est aussi une histoire qui montre que les vainqueurs oublient un peu trop vite les conséquences de leurs actes : comprendre le passé pour ne pas refaire les mêmes erreurs devient plus compliqué quand les erreurs s’atténuent avec le temps, non ? C’est ce que montre Edita Morris qui a fait beaucoup pour les victimes d’Hiroshima, elle qui a apporté son soutien à ceux que l’Histoire a tenté d’oublier.
En lisant
Les fleurs d’Hiroshima, comme Maurice Pons dans la préface, on ne peut que se dire «
Jamais plus Hiroshima » même si l’oubli laisse craindre la répétition des erreurs les plus terribles…
Merci les copains pour cette lecture commune et merci
@Jacana