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Inlandsis
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Sujet: Re: Une vie à Mangueba Ven 13 Mai - 19:31
Tout d'abord, je tiens à remercier le forum Accros et Mordus et les Éditions de la Frémillerie pour ce partenariat. Au passage, je remercie tous ceux qui n'étaient pas intéressés par ce roman, car ainsi j'ai pu découvrir un liver qui comptera parmi mes préférés ! Je vais donc vous expliquer à tous ce que vous avez manqué !
Une vie à Mangueba est une chronique du quotidien du village de Mangueba. C'est un village comme tant d'autres en Afrique subsaharienne, dans un pays en pleine guerre civile. Travailler aux champs toute la journée, pêcher... C'est la saison des pluies et une certaine torpeur pèse sur le village : la jeunesse souhaite partir à la guerre et les anciens essaient de les décourager. C'est le destin de Salvador, un jeune manguébien, qui illustrera ces attentes et ce quotidien. Salvador est tiraillé entre son amour pour Juliana et ses rêves de liberté et de paix pour son pays.
Le personnage principal est, pour moi, le village et surtout les villageois. Mangueba est loin des conflits, mais ceux-ci se rapprochent : la peur et le deuil sont donc le lot de chacun. En suivant Salvador, on découvre aussi une autre façon de vivre, bien loin de notre quotidien occidental. C'est une vraie leçon de vie pour le petit occidental habitué à son confort. Fred Bissahou réussit parfaitement à nous faire comprendre une culture totalement différente de la nôtre, sans pour autant provoquer une quelconque pitié. On est sensibilisé sans tomber dans la mièvrerie. C'est une force de la culture africaine et peut-être même plus généralement de ceux qui n'ont pas le confort qu'on a ici. A Mangueba se côtoient le pire (la guerre et la violence et son cortège de deuil et d'atrocités en toile de fond du quotidien...) et le meilleur (la générosité, l'amour, l'empathie ou la dignité...) de l'espèce humaine. Un autre personnage important est la guerre, menace sourde qui pèse sur les consciences. Elle est omniprésente sans pour autant être vécue par les villageois : pas de scènes de combat ou d'atrocités. La guerre représente à la fois le grand espoir de la jeunesse, qui y voit une étape nécessaire pour obtenir une vie meilleure et la paix, et la plus grande crainte des anciens qui l'ont déjà connue. Ce choc des générations est réellement bien retranscrit : l'ignorance et l'entêtement de la jeunesse se heurte sans arrêt à la sagesse et à l'expérience des anciens. Encore une grande réussite de l'auteur que de faire ressentir la guerre sans entrer dans le spectaculaire façon film américain et que d'expliciter simplement le fossé entre les générations. Et, bien sûr, il y a les villageois : Salvador, l'idéaliste ; Bernard, le vieillard revenu de tout ; Manenie, la Mère ; et la belle Juliana, la voix de la raison. Tous ont une profondeur intense : ils sont très cohérents et vraiment vivants.
L'histoire est servie par une écriture simple et efficace. L'auteur use de son histoire avec un petit h pour nous offrir une réflexion intense sur la guerre et sur la vie. Il nous délivre un message exhaustif et passionnant sur une Afrique différente de celle que l'on voit dans les journaux télévisés du monde entier : celle de son peuple qui souffre et qui survit comme il peut. Aucun jugement n'est porté sur les actes des hommes, cependant les viols et la guerre sont bien sûrs condamnés et la paix est montrée en idéal, mais le propos est plus que la guerre qui change les hommes. Pas de barbares sanguinaires ou d'idéalistes coincés dans l'utopie. Ici, l'humain est présenté dans toute sa complexité. Un brin pessismiste, l'auteur reprend plusieurs fois qu'être un homme bon et généreux en temps de paix est aisé, mais difficile voire impossible en temps de guerre. La guerre change même le plus pacifiste des hommes. L'auteur pose aussi une autre question essentielle : comment vivre après tant d'atrocités ? Comment pardonner ?
Cette découverte de l'Afrique en guerre de l'intérieur est dans tous les cas très enrichissante. On tremble pour les villageois, on approuve la sagesse des femmes et des vieillards. On hait l'impulsivité de la jeunesse et les deuils à répétition que chacun subit.
C'est donc avec brio que l'auteur nous plonge dans cette terre qu'il chérit. Loin des sentiers battus de la littérature européenne, ce récit a un goût particulier et unique. D'autant que j'ai réellement été surprise de son contenu ; je m'attendais davantage à une histoire d'amour, comme sous entendu sur la quatrième de couverture. L'histoire d'amour entre Juliana et Salvador n'est pourtant pas le centre du roman, même s'il est sûrement une réponse à toute cette folie humaine, un refuge et une victoire sur les atrocités.
Ce roman est vraiment, pour moi, une grande réussite. Et lorsqu'on a reposé le livre on ne peut qu'avoir le cœur lourd et penser à ces millions d'êtres humains dont Une vie à Mangueba retrace le quotidien.
Encore merci pour ce partenariat. Et si vous hésitez à le lire : foncez, ce livre est formidable !
Dernière édition par lolly le Dim 24 Mar - 21:53, édité 1 fois (Raison : Corrigé par Lolly)
Une vie à Mangueba
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