Surprenant et instructif.
À la première lecture Les Chroniques de Xin Tseu m'ont déçue. Et je serais certainement restée sur cette idée si la critique que je m'étais engagée à faire ne m'avait pas poussée à aller plus loin. Tant mieux, car l'éclairage que m'ont apporté les recherches que j'ai pu faire m'ont permis de relire ce roman avec un regard neuf et plus averti.
Nous sommes au XIIème siècle. Xin Tseu a quitté la Chine il y a déjà bien longtemps. Aujourd'hui, il voyage à travers le royaume franc en compagnie de sa fille Yu pour tenter de retrouver de précieux manuscrits arabes que des seigneurs francs ont emportés avec eux en regagnant leur terres.
Dans le comté normand, il décide pourtant de mettre de côté sa quête pour venir en aide au jeune comte de Louvigny dont les terres sont menacées par les brigands et la pauvreté. Bien lui en prend car grâce à ça, il ne tardera pas à retrouver la piste des manuscrits. Commence ensuite une véritable chasse au trésor au cours de laquelle, indice après indice Xin Tseu, Yu et Tancréde de Louvigny se rapprochent de leur but. Ils sont malheureusement menacés par des fanatiques, venus de Terre Sainte pour récupérer les manuscrits, et je peux difficilement vous en dire plus sans trop en révéler.
L'un des points forts de ce livre est pour moi son originalité. Des Chinois ? en France ? au Moyen-âge ? Le résumé m'intriguait et je me demandais comment tout cela allait se passer, quelle serait la réaction des Francs que l'on imagine assez méfiants face à ces gens aux yeux bridés venus d'Orient.
En fait l'auteur a, à mon sens, contourné ce problème en donnant aux personnages occidentaux une grande ouverture d'esprit. Dommage, mais je pense que l'objectif de l'auteur était d'abord de donner un aperçu de la culture chinoise en marquant ses différences (et peut être sa supériorité) avec celle de nos ancêtres. Parler de leurs difficultés à s'accepter l'une et l'autre aurait sûrement influencé l'intrigue sans que cela ne soit vraiment nécessaire, même si cela aurait pu être un plus.
J'ai d'ailleurs été un peu déçue par le développement général de l'intrigue qui, s'il est clair et bien structuré, me laisse une impression de "superficialité", un peu comme si j'avais lu le "squelette" détaillé d'un roman.
On voit bien, en revanche, la grande importance que l'auteur attache (dans son livre comme dans sa vie, visiblement) à la pensée chinoise, particulièrement à travers le personnage de Xin, savant et philosophe, citant souvent ses maîtres à penser. Même si je ne saurais distinguer une citation m'ayant particulièrement plu en elle même, l'ensemble apporte au livre un charme particulier.
Côté personnages, c'est pourtant à Yu que je me suis le plus attachée. Muette suite à un traumatisme, elle est aussi une redoutable guerrière maîtrisant la "boxe secrète" d'un grand maître chinois. Elle reste relativement secondaire, dans l'ombre de son père, mais apporte une agréable touche de "féminité".
J'ai vraiment été séduite par le style très aéré de l'auteur. Parmi tous les longs paragraphes et autres phrases interminables que j'ai croisés dans certaines de mes dernières lectures, ce livre est une véritable bouffée d'air ! J'apprécie aussi beaucoup le ton qui laisse une place à l'humour et la répartie de l'auteur que l'on ressent derrière chaque dialogue.
Très documenté, ce roman m'a permis de découvrir le Moyen-âge du XIIème siècle, période rendue particulière par le contexte des croisades. Dans mon ignorance, certains aspects de cette époque m'ont d'abord paru anachroniques (et c'est pour moi fatal dans un roman historique, d'où ma déception à la fin de ma première lecture), notamment concernant la position de la femme (avec la sœur du comte), et les relations homme-femme (avec Yu). Par exemple, on apprend que deux des personnages, dont l'un est très pieux, ont couché ensemble sans même prévoir de mariage... surprenant mais réaliste.
En effet, à cette époque, le mariage chrétien en est à ses débuts et, devant d'abord s'adapter aux mœurs de l'époque pour pouvoir s'imposer, il n'est pas encore aussi strict qu'il le sera par la suite. De plus, la période des croisades, comme plus tard la Seconde Guerre mondiale, a eu pour conséquence une certaine émancipation des femmes en l'absence de leur mari, même si elles restaient encore des "objets d'échange" entre les familles...
Je regrette un peu l'absence de notes auxquelles se référer pendant la lecture : un éclaircissement sur ces points, par exemple, aurait été bienvenu.
Parallèlement au "présent", les personnages parlent aussi des événements survenus dans le passé, notamment en Chine, avec l'histoire et l'exil de Xin, et en Palestine. Cet aspect "international" m'a séduite dans ce roman qui, en explorant l'Histoire, ne se limite pas à une seule zone géographique.
Ce roman n'a pas été un coup de cœur à proprement parler, mais je le classe tout de même parmi les bons livres que j'ai lus cette année et je suis très heureuse d'avoir pu le découvrir. Je n'ai pas trouvé d'informations sur un tome 2, mais s'il devait en paraître un, je pense que je le lirais.
Je remercie Xavier Lauprêtre pour son roman, et le forum Accros et Mordus ainsi que la maison d’Édition La Frémillerie de m'avoir fait confiance en acceptant de me laisser chroniquer ce livre.