Ces jours qui disparaissent nous entraîne à la rencontre de Lubin, jeune acrobate forcé d’avoir un boulot alimentaire pour poursuivre sa passion, qui voit peu à peu ses journées disparaître… Durant ses moments d’absence, un autre Lubin semble prendre sa place, un garçon ordonné, qui fait les courses, le ménage et ramène un peu plus d’argent. Au fil du temps, Lubin l’acrobate sent que son temps est grignoté par cet autre qui prend le dessus et qui fait tout pour que la tendance ne s’inverse pas jusqu’à ne laisser que quelques apparitions furtives à son alter ego.
J’ai eu du mal à accrocher à cette BD, ne m’attachant pas une seule fois aux personnages présentés. Il m’a manqué un petit quelque chose pour réellement plonger dans l’histoire avec mes tripes ce qui fait que je l’ai lue avec une certaine distance. C’est ainsi que les messages subliminaux m’ont paru trop peu subtils, trop faciles et attendus, très clichés aussi.
Timothé Le Boucher nous propose un récit graphique où le Lubin rêveur laisse peu à peu place à un Lubin responsable, un Lubin adulte. Notre artiste de cirque disparait au profit d’un homme qui entre dans les rangs, qui exerce un travail dit « utile » par la société, qui contribue au bon fonctionnement de la vie citoyenne en somme. L’éditeur décrit ce changement par le passage de l’enfance à l’âge adulte en faisant peu à peu taire l’enfant insouciant et rêveur.
Tous ces mécanismes m’ont paru trop attendus, trop simples parce qu’on entre dans la critique pure et dure de cet âge adulte quand tout est fait pour que le Lubin « responsable » passe pour le méchant de l’histoire. Et c’est là que j’ai du mal à accepter l’explication du duel entre l’enfance et l’âge adulte : j’avais plutôt l’impression de voir un duel entre le conformisme et l’idéalisme. Et ce duel m’a semblé bien trop manichéen et stéréotypé pour me plaire.
Plus le temps passe et plus j’aime la finesse, les sens cachés, la critique d’une société trop rigide.
Ces jours qui disparaissent est à mes yeux une critique de la société qui range les gens dans des cases de façon un peu maladroite, en grossissant le trait et en perdant de son charme. Il y a des dessins assez simples, dans un trait flou et des couleurs très parlantes qui m’ont plu mais qui, parfois, rappelaient finalement le simplisme de la réflexion autour de l’affrontement entre les deux Lubin à mes yeux. Un scénario un poil moins simpliste m’aurait sûrement permis d’accrocher totalement au résultat.
J’ai apprécié ma lecture sur la première moitié du livre puis me suis vite ennuyée sur le reste, sur cette vision trop manichéenne mettant les deux personnalités en opposition. Je pense que le rythme y est aussi pour beaucoup même si, lui, est totalement logique et justifié : le Lubin rêveur se fait de plus en plus rare mais c’est lui que nous suivons, c’est donc des bonds dans le temps immenses qui nous portent jusqu’au bout de cette histoire et qui m’ont plus encore coupée des personnages. Le choix est judicieux mais il a ce défaut de ne pas réussir à garder dans le rail les lecteurs comme moi qui sont susceptibles de ne pas s’attacher aux personnages.
Ces jours qui disparaissent est une BD proposant un scénario original, des pistes de réflexion intéressantes mais à laquelle je n’ai pas su m’accrocher. Je suppose qu’il me manque encore une certaine sensibilité à ce type d’ouvrage pour me satisfaire de certains raccourcis nécessaires et trouver dans la partie graphique les éléments manquants à la partie scénaristique.
Garder son âme d’enfant me semble essentiel dans notre monde mais je ne pense pas qu’il faille rejeter en bloc tout ce que l’âge adulte semble attendre de nous en apparence : c’est en jouant avec les deux facettes de notre moi qu’on trouve un équilibre à mon sens. Et c’est cet équilibre que les personnages de Timothé Le Boucher ne trouvent pas, cet équilibre auquel nous devons essayer d’aspirer sous peine de finir comme ces deux Lubin, incomplets et perdus.
Ces jours qui disparaissent est un bon moyen de se rappeler que faire la paix avec nous-même peut nous être salutaire.
@Elya merci de m'avoir donné envie de lire cette BD en tout cas, parce que je ne regrette rien